Nouvelles règles de la négociation collective

Publié le par marsaud sylvain

LES NOUVELLES REGLES DE LA NEGOCIATION COLLECTIVE

 

 

 

 

UN PEU D’HISTOIRE

 

 

 

 

Un siècle sans règle démocratique, MARS 1884 création des syndicats professionnels par Waldeck ROUSSEAU. 1892 création de la FTM , 1895 création de la CGT. Il aura fallu attendre 1992, 1993, 1996 pour avoir un semblant de règles qui prennent en compte le poids des syndicats. Entre temps il y a eu la création des différents autres syndicats réformistes, en 1973 le conseil d’état (pendant ce que l’on a appelé les 30 glorieuses) décrète le principe de faveur comme principe applicable au regard de plusieurs textes en présence, coïncidence le chômage augmente les années suivantes, et les patrons en profite pour revendiquer déjà plus de souplesse dans l’organisation du temps pour préserver soi-disant l’emploi…

 

 

 

 

L’IDENTIFIANT CGT DANS UNE NEGOCIATION

 

 

 

 

Un responsable CGT négocie avec l’idée qu’il y a contradiction d’intérêts entre la partie employeur et la partie salariée. En même temps, dans cette contradiction, il y a nécessité d’un compromis. Au service des intérêts des salariés dans un esprit offensif, la négociation est l’aboutissement d’un processus où nous mettons les revendications de la CGT. Et c’est un compromis dans un rapport de forces, à un moment donné. Elle est un moyen de contester, de faire reculer le pouvoir unilatéral de l’employeur, les règles de la négociation collective ont historiquement au moins autant structuré le syndicalisme que celui-ci n’a pu influencer les règles de négociations.

 

 

 

 

L’ALIBI ET LE CRIME

 

 

 

 

L’alibi de l’accord majoritaire, pour commettre le crime parfait, telle est l’impression que laisse la lecture de la loi du 04 MAI 2004 dans son volet « réforme du dialogue social ».

 

 

Le crime : la nouvelle loi remet en cause le principe de faveur en généralisant les possibilités de dérogations d’un niveau de négociation à l’autre. L’accord d’entreprise (ou d’établissement) est désormais susceptible de contenir des dispositions moins favorables aux salariés que l’accord de branche, sous réserve de quelques exceptions. L’accord de branche pourra lui-même contenir des dispositions dérogatoires par rapport à un accord interprofessionnel ou un accord couvrant un champ d’application géographique plus large. Si la loi garde un rôle de définition des droits minimaux, puisque le principe de faveur règle encore les rapports entre loi et accords collectifs, c’est un véritable renversement de la hiérarchie des normes, qui est ainsi programmé puisque l’entreprise peut potentiellement s’affranchir des règles conventionnelles définies à des niveaux supérieurs.

 

 

L’alibi : la nouvelle loi permet à des syndicats majoritaires, sous des conditions moins restrictives qu’auparavant, de s’opposer à l’entrée en vigueur d’un accord signé par un syndicat représentant une minorité de salariés. Mais ce principe majoritaire est un trompe l’œil tant ses conditions de mise en œuvre sont alambiquées. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer !

 

 

Au niveau interprofessionnel, il est de notoriété publique que trois confédérations sur cinq, se sont déclarées hostiles au principe des accords majoritaires sur une base de suffrages exprimés. D’ailleurs de nombreuses pistes ont été explorées, afin de développer une nouvelle stratégie syndicale, avec l’une d’entre elles, très importante, concerne l’attention toute particulière qui est plus que jamais à porter aux futures élections professionnelles. Ce sont bien évidemment elles qui détermineront la majorité syndicale dans l’entreprise. Leurs résultats auront une incidence beaucoup plus forte sur notre capacité à peser dans les négociations. Les élections auront donc un caractère fondamental, différent de ce qu’il était jusqu’à présent. De cela dépendra d’avoir un droit d’opposition, celui-ci, même insuffisant, permettra d’exercer une pression accrue sur le contenu des négociations. Le contenu et la démarche iront ensemble, on ne pourra plus négocier sur un sujet sans regarder de près la démarche.

 

 

Par voie de conséquence, c’est branche par branche que pourra éventuellement s’imposer le cas échéant, le principe de l’accord majoritaire sur une base électorale, la CGT y travaille. En effet dans la mesure, où l’enjeu est la remise en cause du principe de faveur, il devrait être possible de dégager une majorité plus large au niveau de la branche pour refuser les accords dérogatoires. Le choix de la règle de la majorité est d’autant plus important, que c’est également au niveau des branches, que se décident les modalités d’appréciation du caractère majoritaire ou non des accords d’entreprises ou d’établissement. Si la règle de la majorité des suffrages exprimés l’emporte à ce niveau, il sera plus simple de l’imposer au niveau « inférieur » et de ne pas se contenter seulement du droit d’opposition…

 

 

 

 

LA PARTIE SYNDICALE

 

 

 

 

En ce qui concerne la partie syndicale à la négociation, le droit commun établit un monopole en faveur des organisations syndicales représentatives. Ainsi les conventions de branche, les accords professionnels et interprofessionnels sont négociés par les syndicats représentatifs sur le plan national, les organisations qui leur sont affiliées, ou encore les organisations qui ont fait preuve de leur représentativité. Dans les entreprises, la négociation collective peut s’engager dans les unités où sont constituées, une ou plusieurs sections syndicales, syndicats, et au moins un délégué syndical a pu être désigné, ce qui implique un effectif minimum (50 salariés). Il est à noter que dans les entreprises de 10 à 49 salariés, c’est le délégué du personnel qui peut être désigné délégué syndical. La loi sur le « dialogue social », s’inspirant de dispositifs déjà existant, pérennise toutefois des modes de négociation dérogatoires. En l’absence de délégués syndicaux, elle confie l’exercice du droit à la négociation aux membres élus du personnel non syndiqués, ou subsidiairement à des salariés mandatés par les syndicats représentatifs, imaginez la suite ?

 

 

 

 

LES ACCORDS DE GROUPE

 

 

 

 

Au niveau du groupe, niveau de négociation désormais légalisé (art L.132-19-1), les pourparlers peuvent être menés par les syndicats professionnels représentatifs dans le groupe, ou dans l’ensemble des entreprises comprises dans le champ d’application de l’accord. Des coordinateurs peuvent être choisis parmi les délégués syndicaux, au risque d’une certaine centralisation des décisions. Il ne fait pas du groupe un nouveau niveau de négociations, en tant que tel qui se situerait dans la hiérarchie des accords entre l’accord de branche et d’entreprise. Les conditions de validité des accords de groupe sont les mêmes que celles des accords d’entreprise (ce qui suppose pour nous dans nos syndicats d’avoir l’état exact des résultats d’élections de CE de toutes les entreprises du groupe).

 

 

L’accord de groupe ne peut comporter des dispositions dérogatoires aux accords de branche. Deux précisions sont apportées quant à l’insertion des groupes dans la hiérarchie des normes sociales :

 

 

r     Si l’accord de groupe emporte les mêmes effets que l’accord d’entreprise, il n’a pas vocation à se substituer à la négociation d’entreprise (précision utile puisque nous assistons dans bien des cas à l’inverse, c'est-à-dire une application directe d’un accord de groupe à tous les salariés sans négociation dans les entreprises) ;

 

 

r     Les obligations annuelles de négocier (ou NAO art L.132-27) continuent de relever du niveau de l’entreprise même si un accord de groupe peut valablement être conclu dans les domaines de la NAO  ;

 

 

r     Pour terminer sur ce chapitre, l’accord de groupe ne peut se prévaloir sur des accords d’entreprise antérieurs plus favorable aux salariés…

 

 

Il aurait été sans doute plus simple de faciliter l’implantation de syndicats dans les petites entreprises, notamment par la suppression du seuil d’effectifs pour la désignation d’un délégué syndical. D’autre part, on peut déplorer que le législateur ait renoncé à la modification des règles relatives à la représentativité, pourtant largement considérée comme nécessaire.

 

 

 

 

L’OBJET DE LA NEGOCIATION COLLECTIVE

 

 

 

 

Plusieurs lois successives ont donc autorisé les négociateurs, dans certains domaines définis, à conclure des accords qui dérogent de manières moins favorables aux dispositions législatives existantes (sauf pour la convention de branche qui conserve un caractère impératif, pas le droit de déroger, en matière de salaire minima, de classification, de garanties collectives en matière de prévoyance et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle). Si la loi du 04 MAI 2004 sur le dialogue social (loi n°2004-391 du 04 MAI 2004, JO du 05 MAI 2004) ne remet pas en cause la primauté de la loi sur les normes conventionnelles, elle bouleverse radicalement les règles régissant l’articulation des normes collectives entre elles. Le principe de faveur, c'est-à-dire la primauté de la disposition la plus favorable, y est véritablement mise en pièce. D’autre part, la loi permet l’instauration de règles dérogatoires par accords collectifs d’entreprise là où elle exigeait à l’origine la signature d’un accord de branche étendu.

 

 

Pour la CGT le principe de faveur est fondamentale eu égard au caractère inégalitaire des rapports de travail qui placent les salariés dans un état de subordination, c’est un des principes généraux du droit du travail.

 

 

Les dispositions légales et réglementaires en droit du travail présentent un caractère d’ordre public, car elles garantissent aux travailleurs des droits minimaux. La loi sur le « dialogue social » ne remet pas directement en cause l’application du principe de faveur dans les rapports entre la loi et les conventions collectives. En revanche, la loi du 04 MAI 2004 élargit les pouvoirs des négociateurs d’entreprise, en les autorisant à conclure des accords dont certains sont dérogatoires à la loi, sur des points où, avant, seul un accord de branche étendu pouvait le faire (ci-joint tableau)…

 

 

De même le rôle, de la loi s’appauvrit concernant la définition de l’étendue de la dérogation de la convention d’entreprise par rapport à la convention de branche d’autoriser ou non (ou plutôt de ne pas interdire) la dérogation à leurs dispositions.

 

 

Ces accords peuvent aujourd’hui entrer en application à condition, d’une part pour les accords de branches d’avoir été étendus et, d’autre part, pour les accords d’entreprises d’avoir été signés dans les conditions définies à l’article L.132-2-2, III nouveau du code du travail. Le juge judiciaire peut également être saisi pour trancher les litiges concernant la validité de tels accords.

 

 

La loi ne contient pas de définition du terme « dérogatoire » qu’elle évoque pourtant à plusieurs articles. Il est clair qu’il ne peut s’agir ici d’une amélioration de la loi, puisque les accords dérogatoires constituent une exception à l’article L.132-4 du code du travail.

 

 

Nous l’avons vu auparavant les accords d’entreprise peuvent déroger aux accords de branche, mais uniquement aux accords postérieurs au 04 MAI 2004.

 

 

La précision est importante car nous vivons dans la métallurgie une série de « toilettages » de conventions territoriales sur quelques dispositions conventionnelles. Nous avons donc dans ces territoires des accords postérieurs à la loi, il ne faut donc pas accepter les tentations que vont avoir les entreprises de déroger à tous les textes conventionnels.

 

 

La loi ne représente plus, dans l’hypothèse des accords dérogatoires, le minimum de protection que les salariés sont en droit d’attendre, ce qui fait dire à différents auteurs que dans un certains nombre de cas, les salariés ne seront « protégés » par la loi qu’à la condition que les négociateurs n’en aient pas décidé autrement.

 

 

Cela est d’autant plus dangereux qu’un seul syndicat minoritaire de salariés peut signer un tel accord, sauf opposition exercée par les syndicats majoritaires, ou nécessité d’une signature majoritaire.

 

 

 

 

LE DROIT D’OPPOSITION

 

 

 

 

Le droit d’opposition est désormais à la disposition des syndicats qui souhaitent s’opposer à l’entrée en vigueur de tout accord qui ne nécessite pas, pour sa validité une signature majoritaire. La loi sur le « dialogue social » le généralise et le transforme légèrement.

 

 

Depuis la loi du 04 MAI 2004, le législateur a précisé le doit d’opposition au niveau de l’entreprise : l’appréciation de la majorité se calcule désormais en suffrages exprimés aux élections de CE ou à défaut DP. Au niveau interprofessionnel et de la branche, les syndicats représentatifs qui peuvent exercer le droit d’opposition sont ceux qui sont majoritaires en nombre. Les syndicats qui veulent s’opposer à l’entrée en vigueur d’un accord d’entreprise doivent se manifester dans un délai de huit jours. Il court désormais conformément à l’article L.132-2-2, IV nouveau du code du travail, à compter de la notification de l’accord.

 

 

L’opposition doit être écrite et motivée, et préciser les points de désaccord, cette dernière obligation ne figurait pas dans la rédaction de l’article L.132-26, ni dans celle de l’article L.132-27.

 

 

Enfin elle est notifiée aux signataires, c'est-à-dire l’employeur, et aux organisations syndicales signataires. La loi ne donne aucune précision quant à la forme que doit avoir la notification. Un pli recommandé avec accusé de réception est selon nous, le procédé le plus sûr.

 

 

Les accords frappés d’opposition sont réputés non écrits. L’opposition fait échec à l’entrée en vigueur de l’ensemble du texte. La loi n’impose pas, pour autant de nouvelles négociations, même si l’accord a été conclu dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire. Il faut donc faire attention, et bien réfléchir sur l’utilisation du droit d’opposition qui peut se révéler comme un piège pour les salariés. Nous l’avons vu dans le cas vécu par nos camarades de NESTLE ou PERRIER, où la CGT ayant levé son droit d’opposition, l’accord a pu s’appliquer, dans le sens que voulaient leurs patrons…

 

 

 

 

L’OBLIGATION DE NEGOCIER

 

 

 

 

Dans les entreprises, l’obligation de négocier pesant sur l’employeur est conditionnée par la présence d’un interlocuteur syndical, peu importe l’existence ou non d’une convention ou d’un accord applicable. L’employeur est donc tenu d’engager chaque année : ce que l’on appelle maintenant la NAO sur :

 

 

Æ     Les salaires effectifs (salaires réels et non les minima garantis) ;

 

 

Æ     La durée effective et l’organisation du temps de travail ;

 

 

Æ     Le régime de prévoyance maladie ;

 

 

Æ     L’épargne salariale ;

 

 

Æ     L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ;

 

 

Æ     L’évolution de l’emploi ;

 

 

Æ     L’emploi et formation des salariés agés…

 

 

 

 

LE DEROULEMENT DE LA NEGOCIATION

 

 

 

 

Le déroulement de la négociation est globalement entouré de peu de formalisme. Les règles légales existantes concernant essentiellement la négociation obligatoire. La loyauté dans la négociation, pourtant nécessaire est quant à elle peu sanctionnée. Le titre II de la loi du 04 MAI 2004, qui porte sur la négociation collective, ne crée pas de nouveautés concernant la marche des pourparlers, à l’exception de l’instauration d’un droit de saisine en faveur des syndicats.

 

 

Cette nouveauté introduite par la loi du 04 MAI 2004 réformant le « dialogue social » : un droit de saisine institué en faveur des syndicats, ou l’obligation faite aux patrons de prendre en compte les demandes relatives aux thèmes de négociation formulées par ces derniers (par exemple on peut inclure dans les NAO 2005, une négociation sur le paiement du jour férié de pentecôte). La prise en compte de ces demandes « contribue à un nouvel équilibre entre les employeurs et les salariés » et doit « avoir pour effet de responsabiliser les parties liées à la négociation. Les modalités de prise en compte dans la branche, ou l’entreprise des demandes relatives aux thèmes de négociations, émanant d’une ou des organisations syndicales de salariés représentatives, font désormais partie des clauses nécessaires à l’extension d’un accord de branche.

 

 

 

 

EN CONCLUSION

 

 

 

 

Une fois les nouvelles règles de négociation collective dictées par la réforme Fillon, analysées, il est temps de mettre en place une nouvelle stratégie syndicale, dans le but de conquérir une réelle application de l’accord majoritaire et de reconquérir les systèmes de hiérarchie des normes et du principe de faveur.

 

 

Je propose quelques pistes de réflexions pour notre débat :

 

 

 

 

F     Comment se déroule en général les NAO dans nos entreprises, et quels contenus nous y mettons ?

 

 

F     Quelles sont les propositions patronales, quelles sont les nôtres ?

 

 

F     Comment associons- nous les salariés, consultation, participation pour peser efficacement sur ces négociations ?

 

 

F     Est-ce que certains d’entre nous ont déjà négocié dans le cadre de la loi du 04 MAI 2004, y compris avec l’utilisation du droit d’opposition ?

 

 

F     A partir de cette nouvelle loi, quelle doit être notre démarche syndicale, et quel rapport de force a crée dans nos boîtes pour ne pas tomber dans les différents pièges tendus par cette nouvelle loi ?

 

 

 

 

Sylvain MARSAUD

 

 

 

 

 

 

  

 

 

Publié dans classe

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